Asnières 14 juillet 2008

Emeutes : une violence qui inquiète

mercredi 16 juillet 2008 | Le Parisien

Le commissaire blessé dans les affrontements du week-end est toujours hospitalisé. Police, justice et élus pointent une situation très tendue sur le terrain.

APRÈS un samedi soir secoué par les affrontements entre jeunes et police, dans les quartiers nord d’Asnières, la nuit de dimanche à lundi n’a eu à souffrir d’aucun incident dans ces quartiers. Une compagnie de CRS, qui a patrouillé toute la nuit, s’est chargée de dissuader d’éventuels émeutiers. Ce calme revenu tranchait avec les violences urbaines de la veille, où plusieurs dizaines d’assaillants ont attaqué les locaux de la police municipale et la toute nouvelle station de métro des Courtilles, avant d’en découdre avec les fonctionnaires.

Damien Vallot, commissaire adjoint d’Asnières, est toujours hospitalisé à l’Hôtel-Dieu. Il a été gravement touché par un éclat de fusée qui est allé se ficher sous la visière de son casque. Son oeil droit pourrait être perdu : « Les médecins laissent peu d’espoir », confie un proche du dossier.

De nombreuses personnalités – préfet, responsables policiers et élus – sont allés se relayer au chevet du jeune commissaire. Lundi après-midi, Michèle Alliot-Marie a rencontré sa famille et le chirurgien qui a procédé à l’opération. Le président du conseil général, Patrick Devedjian, s’est aussi rendu à son chevet. « Il y a une forte solidarité et une grande émotion, au-delà de la seule famille policière », atteste le préfet, Pierre de Bousquet.

Pietrasanta va sensibiliser les maires

ais le représentant de l’Etat se montre préoccupé par « l’aggravation de la violence et des techniques employées ». « Le 14 juillet est traditionnellement un week-end délicat pour l’ordre public, et nous l’avions préparé, explique Pierre de Bousquet. Mais certains jeunes de la cité ont décidé d’en profiter pour régler quelques comptes. De petits groupes ont organisé le harcèlement des forces de l’ordre, se sont dotés de matériel acheté sur Internet pour leurs munitions… Cela n’a pas été improvisé. » Le maire socialiste, Sébastien Pietrasanta, pensait pourtant avoir mis toutes les chances de son côté : « 50 voitures-épaves avaient été retirées, de même que les poubelles. Et une quarantaine de personnes identifiées ville ont tourné dans les quartiers nord », révèle l’élu. Alors qu’il avait pris un arrêté municipal interdisant la vente et la possession de pétards, le maire d’Asnières indique qu’il va saisir le gouvernement pour qu’il prenne des mesures d’interdiction de vente d’engins pyrotechniques au public non professionnel.

Le maire d’Asnières-sur-Seine va sans délai interpeller Michèle Alliot-Marie, la ministre de l’Intérieur, à ce sujet. Il va également dans les prochains jours sensibiliser ses collègues franciliens et français par le biais de l’Association des maires d’Ile-de-France (Amif) et de l’Association des maires de France (AMF) afin de mener une action commune. « A quoi cela sert-il de prendre de telles mesures dans une ville si les jeunes peuvent acheter ailleurs ces engins devenus de véritables armes par destination ? Il faut tout simplement en interdire la vente aux particuliers. »

La police judiciaire des Hauts-de-Seine est chargée de l’enquête liée à l’agression du commissaire Vallot. Des investigations qui s’annoncent « compliquées », avance-t-on au parquet de Nanterre, avec « énormément de témoins à entendre ». Une réunion dédiée à cette situation très tendue s’est d’ailleurs tenue hier matin dans le bureau du procureur de la République. La sûreté départementale est quant à elle saisie de l’ensemble des violences qui ont agité la cité des Mourinoux samedi soir. Quatre personnes ont écopé hier de peines de huit mois à un an de prison ferme.

ASNIERES. Le commissaire blessé lors de la nuit d’émeutes Olivier Bureau


mardi 15 juillet 2008 | Le Parisien

De violents affrontements ont opposé des dizaines de jeunes à la police dimanche soir. Le commissaire adjoint d’Asnières a été gravement touché à un oeil.

NUIT d’émeutes dans les quartiers nord d’Asnières pour la fête du 14 Juillet. L’explosion de violence s’est produite peu avant 1 heure du matin, dans le quartier des Mourinoux. Un groupe de jeunes s’en prend au poste de la police municipale, rue Poincaré.

La trentaine d’assaillants commence un caillassage en règle des locaux. Ils lancent ensuite des fusées et des feux de Bengale sur le bâtiment. Des effectifs de la police nationale qui se trouvaient dans le secteur arrivent en renfort

Les affrontements continuent contre cette nouvelle cible. Des voitures sont incendiées, d’autres vandalisées tout comme des abribus. Même la station de métro flambant neuve des Courtilles, inaugurée il y a moins d’un mois, fait les frais de ce déchaînement de violence. Des pavés sont lancés contre les vitres.

« C’était Bagdad ! »

Impossible de connaître l’origine réelle de ces violences qui auraient concerné des jeunes d’Asnières mais aussi des quartiers des villes voisines.

Au plus fort de la nuit, plusieurs dizaines de policiers, armés notamment de flash-balls et de grenades lacrymogènes, se retrouvent face à une centaine de jeunes. L’un d’eux tire une fusée qui ricoche sur le sol et passe sous la visière du casque du commissaire Vallot. Evacué en urgence sur l’hôpital de l’Hôtel-Dieu, à Paris, il a été opéré hier, en début d’après-midi. Il pourrait perdre l’usage de son oeil. « C’était Bagdad ! » racontait un habitant des Mourinoux hier. La tension était encore palpable hier dans la cité. Enervés, les jeunes décrivent une véritable bataille rangée, les opposant aux forces de l’ordre. « Il y avait des camions, des CRS. Ils ont balancé des lacrymos, ils tiraient dans tous les sens. »

« Il y a eu un véritable affrontement et en même temps de petits groupes mobiles qui frappaient ici ou là avant de prendre la fuite », précise-t-on en préfecture. Un semblant de calme est revenu vers 3 heures du matin.

« La volonté criminelle est bien réelle, fulminait hier Sébastien Pietrasanta, maire PS d’Asnières, après s’être rendu au chevet du commissaire Vallot. Les agresseurs agissaient cagoulés. Même les pompiers ont essuyé des jets de projectiles ! » La municipalité a reconduit hier son dispositif spécial mis en place dimanche. Après avoir enlevé une cinquantaine de voitures-ventouses, la ville avait pris un arrêté anti-pétards, demandé aux bailleurs de ne pas sortir les poubelles et assuré la présence d’une quarantaine de médiateurs sur le terrain entre 22 heures et 5 heures du matin. Une présence qui n’a pas suffi.

Au total, dix jeunes majeurs ont été interpellés, six placés en garde à vue au commissariat d’Asnières et quatre à la sûreté départementale. La police judiciaire est saisie pour les blessures infligées.

~ par Alain Bertho sur 18 juillet 2008.