Cameroun février 2008

Cameroun: déjà plus de 700 condamnés après les émeutes de février

5 avril 2008

YAOUNDÉ (AFP) — Plus de 700 personnes arrêtées au Cameroun lors des émeutes de fin février ont déjà été condamnées à des amendes et/ou à des peines de prison allant de trois mois à six ans, selon un décompte du ministère de la Justice rapporté samedi par la radio nationale.

Sur environ 1.600 personnes arrêtées pour « casse » ou « vols », 729 personnes ont été condamnées, dont 466 ont fait appel, a déclaré le ministre Amadou Ali.

Par ailleurs, 251 autres ont été relaxées après jugement et 157 demeurent en attente d’un procès. Enfin, 534 ont bénéficié d’un non-lieu et n’ont pas été renvoyées devant la justice car elles sont mineures ou pour insuffisance de preuves.

La plupart des condamnations ont été prononcées dans la province du Littoral, dont fait partie Douala, la capitale économique du pays, réputée frondeuse, où avaient éclaté les premiers incidents violents. Jusqu’ici, 523 personnes y ont été condamnées.

« Contrairement à ce que certains ont assuré », les droits de la défense « ont pleinement joué » et la justice rendue n’a pas seulement été « équitable » mais aussi « clémente », a estimé Amadou Ali.

Après le début des procès de personnes interpellées, jeunes pour la plupart, de nombreux avocats avaient dénoncé une « justice expéditive ».

Selon le ministre de la Justice, le montant financier des dégâts des « émeutes » pourrait atteindre « 50 milliards de francs CFA » (76 millions d’euros).

Le Cameroun a été secoué fin février par de graves troubles en marge d’un mouvement contre la cherté de la vie et un projet de révision constitutionnelle qui permettrait au président Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, de se représenter en 2011.

Les affrontements entre forces de l’ordre et manifestants ont fait plus de 100 morts, selon une ONG, 40 d’après le bilan officiel.

Après les violences, le pouvoir a annoncé des mesures en faveur du pouvoir d’achat. En revanche, il a maintenu son projet de révision de la Constitution, qui sera examiné dans les prochains jours à l’Assemblée nationale.

Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), Maison des droits de l’Homme du Cameroun (MDHC)

Communiqué : Cameroun : les émeutes donnent lieu à une répression d’envergure

Paris-Douala, le 7 mars 2008La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et son organisation membre au Cameroun, la Maison des droits de l’Homme du Cameroun (MDHC), demeurent particulièrement préoccupés par la répression ordonnée par les autorités camerounaises en réponse aux troubles qui agitent le pays depuis le 25 mars et en condamnent la virulence et les excès.

La FIDH et la MDHC ont été informées, par des sources concordantes, que le bilan des émeutes ayant suivies les manifestations du 25 février 2008 auraient fait plusieurs dizaines de victimes, des milliers d’arrestations et des centaines de jugements en comparution immédiates sur l’ensemble du territoire camerounais.

Ainsi, dans les seules villes de Loum, Kumba, Bamenda, Buéa, Basang, Limbe et Njombé-Penja, le bilan s’élèverait déjà à près de 35 victimes. A Douala et Yaoundé, où les affrontements entre les civils et les forces de la police, des militaires et de la Gendarmerie ont été particulièrement violents, on dénombrerait aussi plusieurs dizaines de morts et plus de 2000 arrestations parmi la population civile.

La FIDH et la MDHC sont particulièrement préoccupées par l’utilisation disproportionnée de la force par les agents de l’État, par l’ampleur des arrestations qui sont largement indiscriminées et par le traitement des personnes arrêtées. Ainsi, les personnes interpellées sont actuellement jugées de manière expéditive en violation des règles du Code de procédure pénale camerounais et de toutes dispositions pertinentes des conventions régionales et internationales qui garantissent les droits de la défense. En effet, les prévenus sont présentés 6 par 6 aux audiences qui ne durent, en moyenne, que 5 minutes et au cours desquelles la présentation de preuves tangibles ou de témoins sont subsidiaires.
« La plupart des gens arrêtés ici n’étaient que des curieux qui se trouvaient à proximité des émeutes pour voir ce qui se passait », aurait déclaré un gendarme qui comparaissait pour l’accusation au procès de plusieurs manifestants le vendredi 29 février 2008 à Douala. Par ailleurs, les procureurs semblent utiliser toutes les ressources du code pénale pour accuser les personnes présentées : les charges vont du « défaut de présentation de carte d’identité nationale » à « manifestations sur la voie publique, attroupement, port d’armes, destructions, rébellion en groupe et violences à fonctionnaires, pillages et vol » etc. Les peines prononcées vont de six mois à plus de cinq ans de prisons.

La FIDH et la MDHC s’inquiètent aussi des pressions exercées sur les médias dès lors qu’ils ne relaient pas l’information officielle. Des journalistes sont inquiétés ou arrêtés, tel que Jean Blaise Mvié, directeur de publication du journal “La Nouvelle Presse” qui a par la ensuite été relâché. Des médias ont été vandalisés et fermés comme la station de radio “Magic FM” à Yaoundé. Cette dernière avait organisé un débat le 27 février peu après l’intervention télévisé du président Paul Biya et au cours duquel ce dernier a été sévèrement critiqué quant à la gestion de la crise et sa volonté de modifier la constitution afin d’obtenir un nouveau mandat. Le lendemain, leurs bureaux étaient saccagés, le matériel confisqué et la station radio fermée.

Dans ce contexte, les défenseurs des droits de l’Homme demeurent menacés. Pour avoir dénoncé les violations des droits de l’Homme perpétrées actuellement au Cameroun, notamment auprès des médias internationaux, Mme Madeleine Afité, présidente de la MDHC, a été menacée de mort à plusieurs reprises ces derniers jours et sa voiture a été saccagée dans la nuit du 5 au 6 mars 2008. Enfin, le 7 mars 2008, au journal de 13h de la radio nationale Cameroun Radio Télévision (CRTV), le présentateur a parlé d’« une inconnue, sortie de nulle part, une femme qui se prétend défenseur des droits de l’Homme et qui se fait entendre sur le plan international alors qu’elle ne dit rien de vrai » ciblant par ce portrait Mme Afité qui s’est exprimée à plusieurs reprises dans les médias internationaux ces derniers jours.

La FIDH et la MDHC appellent les autorités camerounaises à :

  • Garantir l’intégrité physique et le droit à la vie des populations civiles et des défenseurs des droits de l’Homme conformément à la Déclaration universelle des droits de l’Homme, la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples et le Pacte international sur les droits civils et politiques ;
  • Mettre un terme à l’utilisation disproportionnée de la force publique et à la pratique des arrestations massives et sans discernement ;
  • Garantir un jugement juste et équitable aux personnes arrêtées dans le cadre des troubles sociaux conformément à la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples et le Pacte international sur les droits civils et politiques, notamment en respectant le droit à la défense et au principe de recours judiciaires ;
  • Garantir les liberté de presse, d’information et de diffusion des journalistes et des défenseurs des droits de l’Homme ;
  • Établir toute la vérité sur les responsabilités et les auteurs des violations des droits de l’Homme, en particulier les exécutions sommaires et extra-judiciaires, afin de les traduire devant la justice ;

La FIDH et la MDHC appellent :

  • L’Union aficaine et la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples à se saisir de la situation au Cameroun ;
  • Le Haut-Commissaire des Nations unies à déployer d’urgence une équipe d’enquête afin de recueillir les informations sur les violations des droits de l’Homme devant permettre l’établissement de la vérité, de la justice et réparations pour les victimes.

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Près de 1700 personnes arrêtées au Cameroun suite aux émeutes

FCEB/aft/APA 07-03-2008

APA-Yaoundé(Cameroun) Quelque 1671 personnes ont été interpellées au Cameroun pour «activités dangereuses, troubles sur la voie publique et à l’ordre public» entre le 23 et le 27 février 2008, suite à des émeutes contre la vie chère, a appris vendredi APA de source officielle.

Selon le vice-Premier ministre en charge de la Justice, Amadou Ali, 87 des personnes arrêtées avaient déjà été condamnées dans le cadre d’une procédure de flagrant délit, 56 relaxées et 1 cas mis en délibéré dans différentes juridictions du pays.

Il a qualifié de «vandales» ces gens, les accusant d’avoir envahi la voie publique, entraîné l’arrêt des activités économiques, entravé la libre circulation des personnes et des biens, détruit et brûlé des édifices dans plusieurs localités.

Amadou Ali a également affirmé que les manifestants avaient été montés pars «des commanditaires qui les ont soit intéressés, soit drogués», et qu’une enquête approfondie permettra de dévoiler l’identité.

Sur les accusations de justice expéditive soulevées par plusieurs avocats et défenseurs des droits de l’homme, le vice-Premier ministre camerounais a affirmé que les droits de la défense avaient été respectés, précisant que les condamnés avaient également le droit de se pourvoir en cassation.

Il y a une semaine, quelque 200 personnes, en majorité des jeunes, sans assistance d’avocats, avaient été condamnées à 2 ans d’emprisonnement par le tribunal de première instance de Yaoundé, la capitale du pays.

Et ce n’est que le lendemain que quelques avocats, alertés, se sont constitués pour la défense de plus de 150 autres prévenus, dont la plupart écoperont de peines plus légères.

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Des ONG évoquent plus de 100 morts lors des émeutes au Cameroun

YAOUNDE (Reuters) – Des défenseurs des droits de l’homme camerounais ont accusé mercredi le gouvernement de Yaoundé d’avoir caché le véritable bilan des émeutes de la semaine dernière, qui serait, selon une organisation, d’au moins 100 morts.

Le ministre de la Communication, Jean-Pierre Biyiti bi Essam, a assuré mardi sur les ondes de Radio France Internationale que 17 personnes avaient trouvé la mort dans ces événements et a accusé les ONG des droits de l’homme d’exagérer le bilan.

Mais Madeleine Affite, coordinatrice pour la province du Littoral de l’ONG Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), a affirmé mercredi que le bilan véritable était supérieur. La province du Littoral comprend la capitale économique, Douala, et plusieurs autres villes qui ont connu ces émeutes, déclenchées à la suite d’une grève des chauffeurs de taxi pour protester contre les prix des carburants.

« Les informations que nous avons reçues de nos collaborateurs sur le terrain, dans plusieurs villes touchées par les violents incidents de la semaine dernière, ainsi que les plaintes des familles, laissent penser qu’au moins 100 personnes ont péri dans les affrontements avec les forces de sécurité, que plus de dix autres sont portées disparues et que plusieurs centaines d’autres ont été blessées », a-t-elle déclaré.

Tansa Musa, version française Eric Faye

Nouveaux morts dans des émeutes dans l`Ouest du Cameroun

YAOUNDE, 29/02 (Reuters) – Au moins deux villes de l`ouest du Cameroun ont connu de nouvelles émeutes contre la cherté de la vie et l`intention affichée du président Paul Biya de s`accrocher au pouvoir.

Une vingtaine de personnes au moins ont été tuées depuis samedi, notamment à Douala, poumon économique du pays, et dans d`autres villes de l`ouest du pays.

Si un calme précaire semblait revenu jeudi à Douala et à Yaoundé, la capitale, des émeutes ont eu lieu à Bafan et Bamenda, où trois personnes ont été abattues par les forces de sécurité, rapportent des journalistes locaux.

S`exprimant pour la première fois depuis le début des émeutes, les plus graves qu`il ait eu à affronter depuis une quinzaine d`années, Biya a accusé mercredi soir ses opposants politiques d`avoir orchestré l`agitation pour le renverser.

« L`objectif est d`atteindre par la violence ce qu`ils n`ont pas pu obtenir par les urnes », a affirmé Biya qui, au pouvoir depuis 25 ans, affiche son intention de briguer en 2011 un nouveau septennat.

John Fru Ndi, président du Front Démocratique et social, le principal parti d`opposition, a opposé un démenti formel à ces accusations de manipulation et accusé Biya d`avoir « perdu le contact avec le peuple » et d`ignorer ses préoccupations.

Une douzaine de morts dans des émeutes à Douala

Une douzaine de personnes sont mortes dans les émeutes qui ont éclaté à Douala, la capitale économique du Cameroun dès le début, lundi, de la grève générale illimitée à l’appel des syndicats des transporteurs urbains et interurbains protestant contre la hausse du prix du carburant et la vie chère, a appris la PANA, de sources concordantes.

lundi 25 février 2008, par Panapress

Les violences avaient déjà commencé samedi à Douala, qui offrait lundi, le visage d’une ville en insurrection avec des affrontements entre grévistes et forces de l’ordre et des scènes de pillage.

D’autre part, une femme gendarme ayant ouvert le feu sur la foule qui l’avait prise en tenaille, aurait touché à mort un élève d’un collège privé dont le corps est gardé à la morgue de l’Hôpital Laquintinie, selon d’autres sources concordantes.

D’autre part, une femme gendarme ayant ouvert le feu sur la foule qui l’avait prise en tenaille, aurait touché à mort un élève d’un collège privé dont le corps est gardé à la morgue de l’Hôpital Laquintinie, selon d’autres sources concordantes.

Samedi nuit, deux manifestants étaient tombés sous les tirs à balles réelles de la police au lieudit « Rond point Dakar », un quartier populaire de la capitale économique du Cameroun, à l’occasion d’un meeting du Social democratic front (SDF, principal parti de l’opposition parlementaire) qui a finalement été reporté.

Le SDF comptait manifester contre la modification de la Constitution, afin de permettre à Paul Biya de se représenter à l’élection présidentielle de 2011.

Grève générale illimitée très suivie

Le mot d’ordre de grève illimitée lancé ce lundi par quatorze organisations syndicales de transporteurs urbains et interurbains du Cameroun contre la hausse du prix du carburant et la vie chère a été largement suivi à travers le pays, notamment à Douala, capitale économique du pays, a-t-on constaté sur place.

Aucun véhicule, ni moto n’était visible lundi matin dans les rues de la ville, ce qui a contraint des milliers de personnes à se rendre à pied à leurs lieux de travail.

Les grévistes, appuyés par le Syndicat national des propriétaires et conducteurs de motos-taxis (SYNACPMOTAC), exigent notamment la fin des abus perpétrés à leur encontre par des agents des communautés urbaines tant à Yaoundé qu’à Douala et des forces de maintien de l’ordre, la baisse du coût du carburant et des denrées de première nécessité, ainsi que la mise sur pied d’une convention collective régissant leur activité.

Dans tous les quartiers de la Douala, la population a érigé des barricades et brûlé des pneus. Des scènes de pillage ont également été signalées au niveau de plusieurs magasins et stations service.

En plusieurs endroits, des accrochages ont eu lieu entre manifestants et policiers en armes, contrairement à Yaoundé où aucun incident n’a été signalé.

Une grève à Douala dégénère en émeutes et pillages

La ville de Douala, capitable économique du Cameroun, ressemble à une ville fantôme lundi soir suite à une grève des chauffeurs de taxi contre la hausse du prix des carburants, qui a dégénéré en émeutes et pillages.

Depuis lundi matin, tous les commerces de Douala sont restés fermés. Bon nombre d’enseignants et d’élèves sont restés chez eux pour éviter des agressions physiques.

Certaines maisons et des véhicules sont brûlés et des routes encombrées de barricade. Des banques, des magasins et des stations d’essence sont saccagés. Des bureaux de certaines sociétés ont été mis à sac, a rapporté la radio nationale du Cameroun.

Au moins cinq magasins chinois ont été victimes du pillage, selon des diplomates au consulat de la Chine à Douala. Le consulat a appelé les résidents chinois à rester chez eux.

Selon les sources concordantes, quatre personnes ont trouvé la mort dans la journée, dont deux ont été extraites de force de leurs véhicules et battues à mort dans le quartier de Bonaberi et une troisième personne a été brûlée vive dans l’incendie d’un bâtiment.

Les forces de l’ordre tentent tant bien que mal de freiner les débordements. Elles ont fait usage de bombes lacrymogènes et tiré en l’air pour disperser des pillards, selon des témoins joints par téléphones par Xinhua.

Le comité central du parti au pouvoir, le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), a déploré les pertes en vies humaines sans donner le bilan.

Les violences à Douala interviennent 48 heures après des affrontements entre la force de l’ordre et manifestants dans la nuit de samedi à dimanche, durant lesquels une personne a été tuée.

Les manifestants avait été appelés à protester contre le projet du président Paul Biya de modifier la Constitution pour lever la limitation des mandats présidentiels.
Ils ont également dénoncé la fermeture de la chaîne de télévision privée Equinoxe. Equinoxe avait diffusé au début de février une interview de John Fru Ndi, chef du parti d’opposition Social Democratic Front.

Dans l’interview, John Fru Ndi avait accusé Paul Biya de vouloir s’éterniser au pouvoir et exigeait un débat ouvert à toutes les couches de la société sur la révision de la Constitution.

Le ministère de la Communication du Cameroun a condamné  » l’exploitation de la naïveté des jeunes » par l’opposition dans un communiqué publié dans le journal Cameroun Tribune paru lundi.
« Le gouvernement déplore cette perte en vie humaine, ainsi que tous les dégâts occasionnés par ces actes irresponsables. Le gouvernement condamne fermement ceux qui exploitent la naïveté des jeunes pour amener ceux-ci à commettre des actes susceptibles de mettre en danger leurs propres vies, et l’ordre public », indique le communiqué.
Selon l’arrêté du 15 janvier du gouverneur de la région de Douala, les manifestations publiques sont interdites jusqu’à nouvel ordre.

Par ailleurs, les conducteurs de taxi et de moto à Yaoundé ont aussi suivi le mot d’ordre de grève lundi. Mais la situation à Yaoundé est relativement calme, sans tirs ou pillages constatés.
Selon les grévistes, le prix des carburants, actuellement situé à 600Fcfa (environs 1,2 dollar) le litre, est devenu insupportable alors que les prix officiels du taxis sont restés inchangeables.

La grève a touché aussi tous les chefs lieux de provinces du Cameroun, avec moindre intensité par rapport à Douala et à Yaoundé, selon la radio nationale du pays.

Par LIU Fang
Xinhua

Contestations, émeutes et vandalisme itératifs: quelques raisons structurelles du phénomène

L’observateur 27 février 2008

Les 20 et 21 février derniers, les villes, généralement paisibles et accueillantes, de Sya et de Ouahigouya ont basculé dans la violence : biens publics et privés détruits, pneus enflammés en plein milieu des voies bitumées, barricades, interdiction d’accès de la ville aux camions à remorques et aux cars de transport de voyageurs… Des commerçants mécontents de ce qu’ils estiment être des augmentations de frais de dédouanement et de patente en sont les auteurs. On aurait pensé à l’œuvre de forces démoniaques descendues tout droit de chez Belzébuth. En effet, ces cités, si accueillantes, ce dont témoigne du reste le cosmopolitisme de leurs populations, étaient devenues subitement méconnaissables.

Maintenant que les émeutes semblent être derrière nous, que certains meneurs sont en lieu sûr en attendant de livrer à la justice les tenants et les aboutissants de cette affaire et que le gouvernement (au moins en parole) s’affaire à trouver les solutions au coût de la vie, qui n’arrête pas de se renchérir, il est temps de se pencher sur les raisons profondes de ce déchaînement de violence.

Rechercher les explications de ce phénomène en se focalisant seulement sur des efforts d’identification des causes réelles de ce qui s’est passé peut être certes source d’enseignements intéressants.

Toutefois, il faut prendre en compte le fait que la société au sens global du terme a une histoire qui tantôt sert de rétroviseur pour éviter les travers par lesquels on est déjà passé, tantôt de source de motivation pour des actes susceptibles de permettre à l’individu et/ou à la société d’accomplir des bonds en avant.

C’est pourquoi, avant de revenir sur les cas spécifiques de Bobo-Dioulasso et de Ouahigouya, il est nécessaire de rappeler ce qui suit :

en octobre 2003, neuf militaires (deux capitaines, un caporal, cinq sergents et un soldat) ont été mis sous les verrous, en compagnie des deux présumés cerveaux d’une conspiration. Les différentes personnes arrêtées, entre le 1er et le 7 octobre, l’avaient été pour « atteinte à la sûreté de l’Etat » ;

en février 2004, de violentes manifestations, qui ont parfois tourné à l’émeute, ont marqué la capitale burkinabè. De jeunes commerçants s’étaient violemment affrontés aux forces de l’ordre. Les manifestants disaient protester contre une opération de police qui a fait de nombreux blessés la veille lors d’un rassemblement de commerçants aux alentours du marché Rood Woko ; une intervention musclée dont ils accusaient le maire de Ouagadougou, Simon Compaoré, d’être le commanditaire ;

en septembre 2006, alors que le gouvernement était encore en vacances, les forces de sécurité avaient arrêté les contrevenants à la mesure du port obligatoire du casque, saisissant et envoyant à la fourrière mobylettes et motos. Pour récupérer son engin, tout contrevenant devait se présenter à la police ou à la gendarmerie avec le fameux casque et… casquer en plus une amende de 3 000 francs CFA ;

en décembre 2006, les militaires et les fonctionnaires de police s’affrontent. En l’absence de tout rapport officiel, il faut parler au conditionnel : tout serait parti de la mort d’un jeune soldat, occasionnée par des policiers en service la veille. Des incompréhensions naissent et une lutte s’engage, créant ainsi une ambiance délétère, surtout lorsque les militaires reçoivent du renfort ;

en décembre 2007, des militaires retraités burkinabè revendiquaient, entre autres, l’augmentation de l’âge du départ à la retraite à l’instar de ce qui a cours à la fonction publique, l’amélioration des conditions de travail de la troupe, le relèvement des pensions. Les propositions faites par le gouvernement en réponse à leurs revendications avaient été rejetées et les intéressés menaçaient de recourir à la violence.

En cinq (5) ans, avant les émeutes dites contre la vie chère, qui viennent de se dérouler à Bobo-Dioulasso, à Banfora et à Ouahigouya, le pays aura connu quatre manifestations, qui ont dégénéré en émeutes et en actes de vandalisme et une tentative de coup d’Etat.

La confiance des citoyens vis-à-vis des institutions s’érode

A n’en pas douter, cela n’est pas le fruit du hasard même si la difficulté de prévenir ce genre d’événement amène nombre de personnes à le classer dans la contingence que constituent les humains. Cela dit, venons-en aux thèmes qui sous-tendent les différentes contestations : ce sont la cherté de la vie, la gouvernance, les injustices selon les manifestants.

Qu’est-ce à dire ?

La cherté de la vie découle des choix économiques fondamentaux que nous avons tous faits en adoptant la constitution du 2 juin 1991, à savoir l’économie de marché. Seulement, il est vrai que l’Etat, dans certaines circonstances comme celles que nous vivons aujourd’hui, peut décider de sévir afin que les prix qui ne reflètent pas la politique fiscale et douanière du gouvernement soient revus à la baisse par les commerçants.

Du reste, ces derniers jours, même le Premier ministre français, François Fillon, a décidé de prendre trois mesures pour contraindre les commerçants à baisser les prix des produits alimentaires. Ce sont : la création d’une « Haute autorité de la concurrence avec des pouvoirs accrus » pour « renforcer la concurrence », « une opération coup de poing dont l’objectif est d’enquêter sur les comportements de marge » et la « vérification de l’évolution réelle des prix des produits alimentaires ». Les résultats devraient être connus d’ici le 10 mars.

Quant à la gouvernance, c’est-à-dire la lutte contre la mauvaise gestion des ressources humaines, matérielles et financières, elle traduit l’incapacité des multiples institutions de la République (Justice, divers instruments de lutte contre la corruption, police, douane, gendarmerie…) malgré la volonté (en tout cas affichée) de Blaise Compaoré et de Tertius Zongo à combattre réellement la mal-gouvernance.

En outre, il convient de citer la faiblesse actuelle de l’opposition et les difficultés dans lesquelles baigne la société civile, lesquelles auraient pu, du moment qu’elles sont organisées, canaliser les énergies destructrices vers le renforcement de leurs bases sociales respectives.

Le constat est donc clair : apparemment, aucune institution n’est donc suffisamment ancrée pour inspirer confiance au citoyen et l’amener à lui afin de lui expliquer, voire d’apporter des solutions à ses préoccupations. Dès lors qu’en démocratie de telles situations surviennent, la moindre contradiction est saisie au vol par des bandes de casseurs, de vandales et de délinquants qui n’attendaient que de telles occasions pour assouvir leurs desseins diaboliques.

Même des citoyens d’ordinaire dignes peuvent être emportés par le mouvement. En effet, avec plus de 50 000 étudiants à Ouagadougou dont la majorité écrasante n’entrevoit aucune perspective d’emploi ni de situation sociale stable sans oublier les sans-culottes classiques, il ne serait pas surprenant de compter des étudiants s’improvisant, par dépit et par désespoir, casseurs lors d’une manifestation.

Comme cette chose la mieux partagée au monde qu’est le bon sens nous l’enseigne, les casses, les actes de vandalisme et les agressions physiques ne sont jamais et ne seront jamais la réponse appropriée à ce qu’on estime être une injustice, une iniquité ou un ras-le-bol en situation de démocratie ; cependant, les gouvernants doivent être davantage conscients des difficultés qu’endure la population et y apporter des solutions adéquates au plus vite, car le climat actuel n’est peut-être qu’une accalmie.

Zoodnoma Kafando

~ par Alain Bertho sur 5 avril 2008.